Si la jurisprudence de 2016 avait abandonné la notion de préjudice automatique, en revanche, la Cour de cassation a fait évoluer à nouveau sa jurisprudence et a repris la notion d’existence d’un préjudice automatique dans certains domaines spécifiques du droit du travail.
Depuis janvier 2022, la Cour de cassation a repris la notion d’existence d’un préjudice automatique dans certains domaines spécifiques du droit du travail, notamment concernant le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, puis de la durée maximale de travail quotidienne ou encore la durée maximale d’un travailleur de nuit.
Plusieurs arrêts d’actualité précisent le champ de l’existence d’un préjudice systématique en droit du travail :
- Cour de cassation, Ch. Soc, 29 janvier 2025 (n°23-17.647) – Absence d’information des motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte.
Dans cette affaire, la question posée à la Cour de cassation était celle de savoir si le manquement de l’employeur à son obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement d’un salarié inapte entraine automatiquement un préjudice devant être réparé.
La Cour de cassation répond par la négative. Le salarié doit donc démontrer l’existence effective d’un préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant à son reclassement.
« L’existence d’un préjudice résultant de l’inobservation par l’employeur de l’obligation de notifier au salarié les motifs qui s’opposent au reclassement, prévue par l’article L. 1226-12 du code du travail, relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond » (Cass. Soc, 29 janvier 2025, n°23-17.647).
- Cour de cassation, Ch. Soc, 11 mars 2025 (n°23-16.415) – Non-respect de l’employeur d’assurer la prise effective des congés payés.
Dans cet arrêt, se posait la question de savoir si le manquement de l’employeur à son obligation d’assurer la prise effective des congés payés du salarié entraine automatiquement un préjudice devant être réparé.
Pour la Cour de cassation, eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
Ainsi, pour la Cour de cassation, en cas de manquement de l’employeur à son obligation, les droits à congé payé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail. Il en découle qu’un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
« En cas de manquement de l’employeur à son obligation, les droits à congé payé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail. Il en découle qu’un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait » (Cass. Soc, 11 mars 2025, 23-16.415).
- Cour de cassation, Ch. Soc, 11 mars 2025 (n°23-19.669 et 24-10.452) – Invalidité de la Convention de forfait en jours
Dans cet arrêt, se posait la question de savoir si la nullité de la convention de forfait-jours entraine automatiquement un préjudice devant être réparé.
La Cour de cassation reconnaît que le non-respect des dispositions légales et conventionnelles protectrices entraîne la nullité ou la privation d’effet de la convention de forfait en jours, permettant ainsi au salarié de réclamer le paiement d’heures supplémentaires.
Toutefois, elle rejette clairement la notion de préjudice automatique dans ce domaine, considérant que l’indemnisation d’un préjudice distinct nécessite la démonstration de celui-ci par le salarié.
« Lorsque le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours en application d’un accord collectif dont les dispositions n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé, la convention de forfait en jours est nulle de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre. Il en découle qu’un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait » (Cass. Soc, 11 mars 2025, n°23-19.669).