La Cour de cassation précise à partir de quels éléments il est possible de considérer que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger de suicide auquel était exposée une salariée, permettant ainsi de caractériser la faute inexcusable dans le cadre d’un suicide reconnu comme accident du travail.

Par un arrêt en date du 25 septembre 2025 (n°23-14.460), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a élargi la notion de « conscience du danger » requise en matière de faute inexcusable.

En l’espèce, les juges du fond avaient estimé qu’un courrier du médecin du travail alertant sur un mal être général des salariés ainsi qu’un courrier de la salariée victime mentionnant un stress quotidien et un arrêt maladie de trois mois étaient insuffisants pour caractériser la conscience du danger par l’employeur nécessaire à la qualification de faute inexcusable.

Cependant, pour la Cour de cassation, ces signaux d’alerte, même généraux étaient de nature à caractériser la conscience du danger par l’employeur et du risque suicide encouru par la salariée.

« Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Pour rejeter les demandes des ayants droit, l’arrêt relève qu’il est indéniable que les pratiques managériales du dirigeant ont créé des conditions de travail très détériorées pour tous les salariés de la société et que la victime, qui était particulièrement investie dans son travail, n’a supporté ni ces conditions détériorées, ni les raisons et conditions de son licenciement, et a mis fin à ses jours peu de temps après celui-ci. Il énonce que, s’il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de la victime, les ayants droit ne démontrent pas que l’employeur avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposée sa salariée. Il relève en effet que le médecin du travail a, dans un courrier du 15 octobre 2012, informé le dirigeant qu’il avait constaté, depuis quelques mois, un mal-être chez les salariés de son entreprise, ayant provoqué une altération de la santé chez certains d’entre eux, et rappelé à l’employeur ses responsabilités en matière d’évaluation et de prévention des risques psycho-sociaux, sans pour autant attirer l’attention de ce dernier sur la situation de la victime en particulier. Il constate encore que dans un courrier du 30 août 2013 envoyé au dirigeant, la victime a évoqué les difficultés rencontrées dans l’entreprise à partir de l’année 2012, le stress quotidien auquel elle était soumise et dont elle avait subi les conséquences par un arrêt de maladie de trois mois. Il retient cependant que les termes employés par la victime dans ce courrier ne permettent pas de déceler la fragilité psychologique dans laquelle elle se trouvait à cette période.

En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que l’employeur avait ou aurait du avoir conscience des risques psycho-sociaux encourue par la salariée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. » (Cass. 2ème civ, 25 septembre 2025, n°23-14.460).

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