Tribunal administratif de Grenoble
6 mars 2024
Commune du Grand-Bornand

Par une décision en date du 6 mars 2024, le Tribunal administratif de Grenoble sursoit à statuer sur les requêtes déposées par l’association «  Protégeons le plateau de la Joyère contre l’urbanisation de masse  » et une dizaine d’autres requérants, déposées à l’encontre du PLU de la commune du Grand-Bornand.
Le tribunal a donné un délai de 18 mois à la commune pour apporter les précisions nécessaires aux choix d’urbanisme qu’elle a retenus à l’horizon de 2030. A première lecture, cette collectivité a eu plus de chance que la commune d’Huez-en-Oisans (station de ski de l’Alpe d’Huez) dont le PLU a été annulé dans sa totalité par décision en date du 15 février 2024 (n°2000640).

Toutefois, à la lecture de la décision, on ne peut que constater que la régularisation sera difficile. En effet, le Tribunal relève des insuffisances importantes dans le rapport de présentation du document en matière environnementale. En particulier, le Tribunal constate que l’évaluation se borne à mentionner que les effets du PLU sur les ressources naturelles et leurs usages, ainsi que pour les risques pour l’homme, sont soit « sans effets », soit « d’effets faibles à modérés », sans aucune autre précision.

Le Tribunal relève également l’insuffisance de l’évaluation environnementale sur la question de la ressource en eau et les risques de stress hydrique liés au tourisme et à la neige de culture (il note que la consommation annuelle communale d’eau pour la neige de culture dépasse d’ores et déjà depuis 2016, la consommation d’eau potable).

Le Tribunal juge que les chiffres communiqués pour l’accroissement de la démographie justifiant la création de logements « est entaché d’incohérences de nature à avoir nui à l’information du public ».
Enfin, le Tribunal retient que la commune prévoyait de créer 1 500 lits supplémentaires à des fins exclusivement touristiques, correspondant à une consommation de 4,5 hectares jusqu’ici dépourvus d’urbanisation, sans justification suffisante.

Le raisonnement est implacable, la lettre du jugement ne laisse pas de place au doute sur la volonté didactique de la formation de jugement et la publication d’un communiqué sur le site internet du tribunal confirme le choix de publicité le plus large possible de la décision.

Cette publication conclue ainsi : « Ces décisions entrent en résonance avec le rapport de la Cour des comptes, rendu le 6 février 2024, sur l’avenir des stations de montagne confrontées au changement climatique et qui souligne le manque de hauteur politiques publiques d’adaptation au regard des enjeux liés au changement climatique ».

Ce sentiment est conforté par la lecture des conclusions de Madame le Rapporteur public, Émilie AKOUN, qui viennent d’être publiées (Semaine Juridique Administrations et Collectivités Territoriales n°38-39, 23 septembre 2024) sous le titre « PLU du Grand Bornand, un flagrant déni climatique ». Au-delà du titre qui traduit l’appréciation de l’auteur sur la qualité du document d’urbanisme soumis, on y découvre qu’aux termes de ses conclusions, Madame le Rapporteur public invitait le Tribunal à ne pas sursoir à statuer en application de l’article L.600-9 du Code de l’urbanisme.

Bien que les irrégularités soient de forme, elle concluait que :

« La régularisation de ces illégalités pourrait être de nature à faire évoluer les orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durable. Les élus devraient alors reprendre la procédure d’élaboration du plan dans son intégralité, ce qui exclut le prononcé d’une mesure de régularisation ».

Rendez-vous donc en septembre 2025 pour apprécier de la régularisation opérée. Cette série de décisions et de rapports sonne comme un avertissement sans frais à destination des rédacteurs de PLU et des élus qui les approuvent en conseil municipal ou en conseil d’intercommunalité.

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