L’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et la suspension des loyers afférents aux locaux professionnels :
En matière de baux (commerciaux ou professionnels), la principale obligation du preneur réside dans le paiement du loyer et des charges aux dates convenues, le défaut de paiement étant susceptible d’entrainer la résolution du bail (clause résolutoire, résolution judiciaire).
Or, l’épidémie du Covid-19 a conduit la France à prendre des mesures de confinement et de fermeture de lieux qualifiés de «non-indispensables».
Ces mesures résultent des arrêtés des 14 et 15 mars 2020.
Ces arrêtés sont, par décret n° 2020-259 du 15 mars 2020 entrés en vigueur immédiatement.
Cette fermeture à effet immédiat est applicable jusqu’au 15 avril 2020.
Cette fermeture concerne notamment :
- les salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;
- les centres commerciaux ;
- les restaurants et débits de boissons ;
- les salles de danse et salles de jeux ;
- les bibliothèques, centres de documentation, les halles d’expositions ;
- les établissements sportifs couverts ;
- les musées.
Les restaurants et bars ont toutefois été autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison.
Ainsi, à l’exception des restaurants et bars concernés, ces mesures ont vocation à entrainer une baisse de chiffre d’affaires considérables pour les entreprises contraintes de fermer boutique en raison de l’épidémie du Covid-19.
Pour faire face à ces difficultés à venir, le Président de la République a annoncé, lundi 16 mars, des mesures visant à protéger les PME, dont la « suspension des factures d’eau, de gaz ou d’électricité ainsi que des loyers ».
- Depuis, une loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été votée au Parlement le 23 mars (Loi n°2020-290 du 23 mars 2020).
Cette loi autorise le gouvernement à prendre des mesures d’exception par voie d’ordonnance :
« g) Permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008 1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie » (art. 7 du projet de loi / art. 11 de la loi du 23 mars 2020).
- C’est en vertu de cette loi qu’a été prise l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.
Afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des entreprises concernées, cette ordonnance interdit :
- l’application de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit le 25 juin 2020 – art. 4 ord. n°2020-316 du 25 mars 2020).
Aucune mesure d’annulation ou de suspension de loyer n’est donc prévue par l’ordonnance. Seules les conséquences d’un éventuel défaut de paiement seront paralysées pour une période de 3 mois.
Par ailleurs, le périmètre des entreprises pouvant bénéficier du dispositif mis en place par le gouvernement est toutefois limité, seules pouvant se prévaloir de ces dispositions les microentreprises éligibles au fonds de solidarité, créé par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020.
Les critères d’éligibilité des entreprises à ce fonds doivent être définis par un décret à paraitre prochainement qui déterminera notamment les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaire constatée du fait de la crise sanitaire.
Pour l’heure, l’article 3 du Décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 prévoit la catégorie des microentreprises est constituée des entreprises qui :
- d’une part occupent moins de 10 personnes ;
- d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros.
Les mesures mises en place par le gouvernement n’ont donc pas vocation à concerner l’ensemble des entreprises « dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 ».
Ces entreprises devront faire appel aux mécanismes prévus par le droit des contrats (force majeure, imprévision).
Dans un premier temps, il est impératif pour les entreprises non visées par l’ordonnance précitée de se rapprocher de leur bailleur afin de négocier un accord de report ou d’étalement du loyer à l’amiable.