Les régates sont généralement l’occasion de sympathiques batailles navales, dont le principal objectif doit rester le plaisir. Néanmoins, il peut arriver qu’une certaine dose d’optimisme soit l’occasion de bien des soucis. En effet, même si le fairplay est généralement la norme, un accident peut vite arriver… A ce titre l’on peut donc s’interroger sur le régime de responsabilité applicable en cas d’accident tant matériel, que corporel.
La pierre angulaire du mécanisme de responsabilité applicable en telle matière repose sur la notion de responsabilité du fait des choses (art. 1242 du c. civ.)¹. La responsabilité du fait des choses suppose généralement que la chose ait un comportement actif qui doit être à l’origine du dommage. C’est en effet, le cas de la voile qui nécessite immanquablement l’utilisation d’un bateau pour son exercice.
À titre d’illustration, la Cour de cassation a pu préciser que la responsabilité du gardien d’un bateau « est subordonnée à la condition que la victime avait rapporté la preuve que la chose a été … l’instrument du dommage » (Cass. 2e civ., 5 janv. 1994, n° 92-15.443).
En d’autres termes, le navire en mouvement devient l’instrument du dommage. Et il faut alors s’interroger sur celui qui avait la maîtrise de cet instrument au moment de l’incident. C’est alors que rentre en jeu la notion de garde de la chose, notion qui suppose un pouvoir effectif « d’usage, de direction et de contrôle ».
Afin d’illustrer ces propos, il sera fait références à une intéressante affaire venant trancher cette délicate question. Au cours d’une régate, l’un des sept équipiers a été heurté par la bôme de la grand-voile au cours d’un d’empannage². Cette décision retient qu’au moment de l’accident, le skipper était à la barre, avait pris la décision d’empanner et que l’exercice de sa fonction et la réalisation de cette manœuvre (dont il a pris seul la décision) faisait de lui, conformément aux règles applicables en matière de course en mer, le gardien exclusif du voilier. Il exerçait seul sur le navire les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction qui caractérisent la garde de la chose. La cour a donc condamné le skipper à réparation du préjudice subi par l’équipier (Cass. 2e Civ., 12 Avril 2012 n°10-20.831 & 10-21.094).
Rappelons enfin que l’appréciation de la faute civile relève du pouvoir souverain des juges du fond qui sanctionnent en fait la violation d’une règle sportive appréciée subjectivement par référence au comportement normalement attendu du « bon sportif ». En l’espèce, l’on peut donc supposer que les Juges ont estimé que la manœuvre d’empannage n’aurait pas dû être lancée dans la mesure où un équipier par son positionnement sur le navire, était exposé à un risque qui aurait dû conduire à reporter la manœuvre.
¹ On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.
² Empanner consiste pour un voilier à changer d’amure (côté duquel le voilier reçoit le vent) en passant par le vent arrière.