À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, retour sur l'analyse de Me Ashkhen HARUTYUNYAN, Avocate au sein du cabinet Abeille & Associés sur "La protection des femmes par la jurisprudence administrative" publiée dans LexisNexis.

Face à mon sujet, les premières questions que je me suis posées étaient de savoir si la femme ou les femmes avaient besoin d’une protection particulière, si le juge administratif les avait réellement protégées, s’il les avait protégées plus ou moins que les hommes et enfin de quoi et de qui il les avait protégées.
Ensuite, j’ai commencé à analyser la jurisprudence administrative, celle qu’on analyse au quotidien, mais avec un regard différent, un regard qui cherchait à trouver cette protection dans le sens des décisions de justice administrative. 
Avec ce regard, j’ai fait un balayage des décisions des juridictions administratives dans leur ensemble, mais avec une attention particulière pour la jurisprudence de cette magnifique cour, dont nous fêtons les 20 ans. Je voudrais ici remercier sa présidente pour avoir choisi le thème de ce colloque, particulièrement pertinent à une époque où certains droits reconnus aux femmes et qui semblaient acquis définitivement sont actuellement rediscutés ou remis en cause même dans notre pays. Je voudrais aussi, à titre plus personnel, la remercier de m’avoir permis de prendre la parole dans cette juridiction qui m’a fait l’honneur, il y a quelques années, de m’accueillir pendant six mois dans un stage passionnant, que je n’oublierai pas de sitôt.
Je vais donc commencer par mentionner trois affaires jugées par la cour de Marseille.
Madame B contre le préfet des Alpes Maritimes. Madame B, une jeune femme originaire de Burkina Faso, désormais, plus précisément après un arrêt en date du 26 décembre 2012, elle pourra dormir tranquillement car elle ne retournera pas dans son pays d’origine, où sa fille de 3 ans risquait d’être victime d’une pratique cruelle et dégradante, la pratique de l’excisionNote 1.
Madame R contre le ministère de la Défense. Madame R, caporal de l’armée de l’air, une femme courageuse, la seule dans cette unité de montagne, isolée, de la base aérienne 701 composée uniquement d’hommes. Une femme victime de harcèlement moral et sexuel de son supérieur hiérarchique, harcèlement que l’armée en défense avait qualifié de « paternalisme ». Son supérieur hiérarchique refusera l’agrément à sa demande de renouvellement de contrat une fois qu’elle aura dénoncé les faits dont elle était victime. Après plusieurs années de combat, justice sera faite : le juge administratif annulera la décision de refus de renouvellement de son contratNote 2.
Madame A contre le ministère de l’Intérieur. Madame A, contractuelle, recrutée en qualité de copilote de bombardier d’eau par la sécurité civile. Là encore, amenée à évoluer dans un milieu purement masculin où le talent et les compétences d’une femme susciteront des jalousies, des accusations calomnieuses et fausses dénonciations. Cette femme fera l’objet d’un harcèlement moral de la part de ses collègues, relayé ensuite par sa hiérarchie qui a refusé de renouveler son contrat lorsqu’elle a dénoncé ces faits à ses supérieurs. Mais là encore, le juge administratif décèlera les véritables motifs de cette décision de refus de renouvellement et prononcera son annulation. Là encore, le juge administratif a eu l’intention de protéger une femmeNote 3.
J’ai souhaité citer ces arrêts de manière détaillée puisque nous, Juristes, nous les commentons et les citons au quotidien dans le cadre de nos mémoires, nos notes ou nos travaux de recherches.
Nous nous basons sur ces arrêts en oubliant souvent que derrière chaque arrêt se cachent une, voire plusieurs vies.
Mesdames B, R, A et d’autres ont des noms plus complets, un visage, une histoire.
Le juge administratif les rencontre et prend connaissance de leurs histoires à l’occasion de chaque décision qu’il rend : il est réellement confronté aux problèmes qu’un être humain, homme ou femme, rencontre. Des problèmes individuels qui, l’histoire nous l’a démontré, peuvent souvent être l’illustration de problèmes de société plus généraux.
Je suis arrivée à cette réflexion non seulement en cherchant des cas de protection des femmes par le juge administratif mais aussi lorsque je cherchais à comprendre pourquoi dans l’histoire et encore aujourd’hui, il arrive au juge administratif de devancer le législateur ou de compléter son œuvre.
Est-ce cette connaissance précise des difficultés et problèmes individuels qui amène le juge administratif à utiliser toutes les ressources de sa créativité juridique pour y parvenir ? Je pense par exemple à la manière subtile dont il a su aménager la charge de la preuve, ou à l’invocation par ses soins des principes généraux du droit.
Réfléchissant à l’objet de mon exposé, et alors que j’interviens pratiquement au début de ce colloque, je me suis proposé à m’interroger sur la manière dont les juges font le lien entre les questions individuelles qui leur sont soumises et les solutions générales qu’ils dégagent pour les résoudre.
Restant avec cette question et avant d’analyser des cas de protection de la femme dans le domaine de la fonction publique ou encore en droit des étrangers, je parlerai tout d’abord du principe d’égalité.

Le principe d’égalité entre hommes et femmes

Il n’était pas envisageable pour moi de tenir un discours sur la protection des femmes par la jurisprudence administrative sans avoir au préalable rappelé le rôle important que le juge administratif a joué en matière d’égalité des sexes.
Ce principe peut effectivement et heureusement, être le cas échéant invoqué en faveur des hommes. Il a récemment été invoqué devant le Conseil d’État et la CJUE en ce qui concerne les bonifications d’ancienneté accordées aux femmes qui ont élevé trois enfants. Il a été invoqué devant cette cour de manière pas si folklorique d’ailleurs à propos de la longueur des cheveux des policiers. Mais, dans les faits, historiquement et quantitativement, les risques de discrimination au détriment des personnes de sexe féminin sont beaucoup plus nombreux.
L’objet de mon discours n’est pas de prôner une égalité à tout prix entre les hommes et les femmes, je vous rassure. Je comprends et accepte des situations inégalitaires qui peuvent résulter d’une différence de situations, la distinction fondée sur le mérite par exemple.
En parlant du mérite je pense à Françoise Giroud qui disait que « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où à un poste important, on désignerait une femme incompétente », une phrase qui reflète malheureusement une certaine réalité dans laquelle, pour être traitées à égalité, les femmes doivent souvent se montrer supérieures, mais en aucun cas mes ambitions en matière du principe d’égalité.
Le principe d’égalité entre hommes et femmes implique simplement que les personnes, indépendamment de leurs sexes, placées dans une situation identique, soient traitées de la même manière.
J’aurais même souhaité que le texte du 3e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 inséré dans la Constitution de 1958 déclarant que : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes », soit rédigé différemment afin que la femme ne soit plus présentée comme étant secondaire à l’homme, à qui les lois semblent faire une faveur en lui garantissant des droits identiques à ceux des hommes.
En quelque sorte, l’objectif de ce texte serait de nous rendre égaux mais séparés.
Cependant, la femme n’est ni une catégorie physique, ni une composante culturelle, ni une classe sociale. Mais la femme a besoin que le principe d’égalité soit consacré par les autorités et respecté par tous. Ce que j’exprime ainsi comme une évidence, est le fruit de combats juridiques dont la jurisprudence administrative porte la trace.
Il est important à cet égard de rendre hommage à la demoiselle Bobard et au combat qu’elle a mené avec d’autres collègues, pour que le Conseil d’État reconnaisse en 1936 l’égalité des sexes dans la fonction publique en jugeant que les femmes avaient l’aptitude légale aux emplois dépendant des administrations centrales des ministèresNote 4.
Il s’agissait certes d’une égalité relative en tant que les femmes pourraient être exclues pour des nécessités de service, mais c’était un pas important pour le principe d’égalité et une avancée remarquable à une époque où les femmes concernées n’avaient pu agir en justice qu’avec l’autorisation et l’assistance de leurs maris.
Le commissaire du Gouvernement, Latournerie, avait raison de proclamer que l’heure du changement avait sonné.
En effet, l’heure du changement avait sonné, mais pas encore pour le ministère de la guerre qui a pu continuer à appliquer le décret contesté portant réorganisation de l’Administration centrale du ministère de la Guerre en ce qui concerne le recrutement et l’avancement du personnel et qui refusait aux femmes cet accès aux emplois publics.
En 1954, ce sont les communistes qui ont pris le relais pour faire consacrer par le Conseil d’État le principe d’égalité d’accès de tous les Français aux emplois et fonctions publicsNote 5.
Les femmes françaises faisaient bien entendu partie de tous ces Français.
Malgré les réserves, un principe d’égalité en matière des emplois publics est né des décisions du Conseil d’État.
Le législateur s’est par la suite inspiré de la Haute Juridiction administrative en cette matière, non seulement pour consacrer ce principe, mais aussi et surtout pour définir et justifier les exceptions à ce principe lors de l’élaboration en 1959 du statut général de la fonction publique. 

La protection de la femme dans le domaine de la fonction publique (licenciement des femmes enceintes, harcèlement, congé de maternité…)

La juridiction administrative a été amenée à se pencher sur des cas plus spécifiques touchant exclusivement les femmes :

  • le licenciement des femmes enceintes ;
  • le harcèlement sexuel ;
  • récemment apparue dans notre droit positif, la question du harcèlement moral mérite d’être également mentionnée puisque des femmes peuvent faire l’objet d’un harcèlement moral inspiré par leur situation particulière en tant que femme. C’était clairement le cas de cette femme pilote de bombardier d’eau, seule femme dans un monde d’hommes, jalousée parce que les médias se penchaient plus volontiers sur elle, jalousée également parce qu’elle était aussi une brillante pilote de voltige aérienne, et méprisée parce qu’elle n’était qu’une femme à qui il n’était pas question de faire confiance.

Le regard qu’une société porte sur elle-même est en perpétuel changement. Les juges doivent se déterminer par rapport à cet état fluctuant de la société qui est la leur puisqu’ils sont amenés, par le pouvoir moral de leur jurisprudence, à influer sur ces évolutions ou à les encadrer.
Nous verrons des exemples de sa sensibilité dans l’application particulière qu’il fait des lois, notamment lorsqu’il s’agit des femmes. Par exemple, dans le cas des femmes étrangères faisant l’objet de violences.
Ou en matière de harcèlement : dans ces questions difficiles à élucider, pour permettre une application effective de la loi, le Conseil d’État propose alors un mécanisme de preuve favorable aux victimes.
Enfin lorsque le juge constate un vide juridique, il n’hésite pas à proclamer l’existence d’un principe général du droit, comme il l’a fait pour le principe d’égalité, mais il l’a fait aussi pour consacrer un principe destiné exclusivement aux femmes.
Je pense ici au licenciement des femmes enceintes et tiens à rendre hommage à une autre grande dame de l’histoire de la jurisprudence administrative, la Dame PeynetNote 6.
En effet, face à un vide législatif, le Conseil d’État n’est pas resté indifférent et a créé sa propre règle pour sanctionner l’attitude du préfet.
Cet arrêt est une illustration parfaite de ce que, lorsqu’une protection spécifique des femmes est requise, la jurisprudence administrative est capable de s’en charger.
Il est également l’illustration du fait que le juge administratif, lorsqu’il dégage des principes généraux du droit (PGD) pour combler une carence textuelle, est de plus une importante source d’inspiration pour le législateur. On sait que ce dernier a, par la suite, adopté cette règle en matière du droit du travail en l’insérant dans le Code du travailNote 7. Comment aurait-il pu d’ailleurs agir différemment ?
Le juge administratif a également devancé, si l’on peut dire, rétrospectivement, le législateur en matière de harcèlement sexuel, par un arrêt du 15 janvier 2014Note 8.
Le harcèlement sexuel a une place importante dans le cadre de mon sujet. Certes, il peut concerner les personnes des deux sexes, mais dans la majorité des cas les victimes sont des femmes, et les auteurs sont des personnes de sexe masculin.
Nombreuses sont les décisions de justice tendant à protéger les femmes de tels agissements inadmissibles.
Je n’ai pas effectué de recherches statistiques en la matière, mais rien que deux de mes trois décisions mentionnées dans mon propos introductif, choisies parmi bien d’autres affaires jugées par la cour et ce de manière complètement arbitraire, relataient des faits de harcèlement exercé sur une femme.
Sans attendre, d’ailleurs, que cela devienne un sujet d’actualité médiatique. Mais l’actualité confirme bien que la quasi-totalité des personnes auteurs du hashtag #balancetonporc ou #metoo sont des personnes de sexe féminin.
Je ferme la parenthèse et reviens à l’arrêt du 15 janvier 2014, par lequel le Conseil d’État a précisé la définition du harcèlement sexuel en appliquant à des faits antérieurs à la loi du 6 août 2012 des règles proches posées par ce texte.
Il est important de préciser que les textes qui existaient avant la décision du Conseil constitutionnelNote 9, qu’il s’agisse de l’article 222-33 du Code pénal ou de l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ne faisaient que sanctionner des faits dont ils n’apportaient pas la définition.
C’est dans un souci de protection des victimes et dans un désir de sanctionner les auteurs que la Haute Juridiction s’est montrée sensible à ce sujet et a interprété de manière très généreuse les dispositions de l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983.
Le Conseil d’État a non seulement précisé les critères de la définition des faits (gravité, caractère répété), mais a également apporté des précisions en ce qui concerne la définition de la victime (l’absence de consentement) et l’auteur des faits.
En effet, il convient d’être vigilant, dès lors que l’auteur des faits peut être aussi bien le supérieur hiérarchique qu’un simple collègue de travail.
Il se peut dans les faits que l’auteur des agissements sexuels soit le subordonné de l’agente, comme ce fut le cas dans une affaire concernant une infirmière d’un EHPAD, que le Conseil d’État a jugée par un arrêt du 3 octobre 2016Note 10.
Dans cette affaire, pour protéger la victime, le Conseil d’État s’est fondé sur des éléments que la juridiction d’appel avait négligés, notamment les deux lettres que la victime avait adressées à la direction de l’EHPAD pour l’informer du comportement et des propos tenus à son encontre par son subordonné.
Le Conseil d’État a cherché et a su trouver des éléments dans le dossier qui lui ont permis de sanctionner des agissements de harcèlement sexuel.
En l’espèce, j’emploie le mot « victime », puisque je me pose la question de savoir si le Conseil d’État a été sensible envers une femme ou tout simplement envers une victime. Est-ce que la décision serait la même, s’il s’agissait en l’espèce d’une personne de sexe masculin ?
La réponse à ma question est difficile à apporter…
Force est de constater que les solutions du Conseil d’État vaudraient tout autant pour les hommes ou pour des situations sans lien avec les différences de sexe.
Je repense aux aménagements jurisprudentiels du régime de la charge de la preuve en matière de harcèlement moral se retrouvant également dans d’autres domaines, par exemple en matière de responsabilité médicale.
La réponse à ma question est difficile à apporter, notamment en matière de harcèlement, puisque, malheureusement, à chaque fois lorsque, saisi d’un cas individuel, le Conseil d’État a été amené à prendre de nouvelles mesures protectrices, il s’agissait d’un cas concernant une femme.
Il en a été ainsi lorsqu’en 2010 le Conseil d’État a admis que les agissements répétés de harcèlement moral pouvaient permettre à l’agent victime de ces agissements de bénéficier de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnairesNote 11.
Il en a été également ainsi, lorsque le Conseil d’État a défini les règles relatives à la charge de la preuve et à la faute de la victime dans son célèbre arrêt MontautNote 12. En l’espèce le Conseil d’État n’a pas retenu des faits de harcèlement moral, il ne s’agit donc pas d’un exemple particulier de protection d’une victime.
Mais les règles qu’il a avancées sont d’une importance particulière en matière de la protection des agents victimes des faits de harcèlement moral.
Deux choses importantes : d’une part, s’il appartient à l’agent qui s’estime victime des agissements de harcèlement moral d’apporter des éléments de fait susceptible de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement, il incombera à l’administration de démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.
D’autre part, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, il ne doit pas être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice subi par l’agent doit dès lors être intégralement réparé.
Le rôle du juge face à des cas de harcèlement moral est important puisque souvent il s’agit d’« un agent désemparé livré à lui-même, cherchant auprès de la justice l’ultime moyen de mettre fin à son calvaire. Le juge lui doit donc une écoute particulière ne serait-ce que par souci d’équité »Note 13.
Le juge administratif est donc amené à protéger la femme des agissements inadmissibles tels que le harcèlement moral ou le harcèlement sexuel. Il est aussi amené à la protéger pendant des périodes importantes, des fois inévitables, de sa vie comme par exemple la maternité.
Une agente en congé de maternité représente dans la plupart des cas une véritable problématique pour l’employeur, qui, dans le souci parfois légitime de l’intérêt du service, agit de manière injuste envers celle qui, pour mettre au monde un enfant, a pris quelques mois de congé.
C’était le cas d’une agente, Madame B, occupant l’emploi de chef de bureau au sein de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, occupant ce poste en tout cas avant de partir en congé de maternité.
A son retour du congé de maternité, Madame B est réintégrée sur un emploi de chef de section, qui selon la cour administrative d’appel était équivalent à son ancien emploi. Le Conseil d’État censure ce raisonnement en considérant que compte tenu du nombre d’agents placés sous la responsabilité du chef du bureau, les responsabilités d’encadrement à assumer étaient substantiellement supérieures à celle de l’emploi sur lequel Madame B avait été réintégréeNote 14.
Est-ce que cet arrêt, ou encore celui de 2016 concernant l’infirmière de l’EHPAD victime de harcèlement sexuel, nous permet de constater que les juges du Palais Royal sont parfois beaucoup plus sensibles face aux situations injustes dans lesquelles sont placées les femmes que les juges du fond ?
Je ne pourrai pas en faire une généralité, ce d’autant que cela serait injuste puisque les cas de protection des femmes par les juges du fond sont certainement plus nombreux, mais beaucoup moins commentés.
Afin d’établir un certain équilibre, je citerai un jugement intéressant du tribunal administratif d’Amiens en date du 22 octobre 2010Note 15 par lequel il a été jugé que la requérante, dont l’enfant était mort-né après une grossesse de 23 semaines, avait droit au congé de maternité. Le juge administratif a ainsi rappelé que le droit au congé de maternité est lié à l’accouchement et non à la naissance d’un enfant vivant. Il a ainsi protégé une femme et une mère ayant perdu un enfant.
Les décisions de protection des femmes en matière de fonction publique sont nombreuses, mais je ne peux pas toutes les citer d’une part, parce que je suis limitée dans le temps, et d’autre part, parce qu’il existe d’autres domaines dans lesquels nous rencontrons des décisions intéressantes concernant les femmes.

La protection des femmes en droit des étrangers

En effet, les flux migratoires, l’arrivé en France des personnes d’une autre nationalité, d’une autre religion et de mœurs différentes ont conduit le juge administratif à statuer sur des questions sociétales, comme le voile, le burkini, mais aussi en matière de séjour et d’éloignement des personnes étrangères.
Le contentieux concernant le séjour et l’éloignement des étrangers est aujourd’hui considéré comme un contentieux de masse. Il est en effet beaucoup plus difficile de protéger un individu, homme ou femme, lorsqu’il fait partie d’une masse.
Mais je vais évoquer, dans le cadre de mon sujet, des cas de protection des femmes en matière de droit des étrangers.
Avant tout, je pense aux femmes étrangères victimes des violences conjugales. La possibilité de leur admission au séjour est certes prévue par les dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), mais j’ai pu constater à travers les décisions du juge administratif une interprétation généreuse de ces dispositions.
En cette matière le Conseil d’État a décidé d’exercer un contrôle normal sur l’appréciation porté par le préfetNote 16.
Dans un arrêt de 2011, concernant une femme démunie de toutes ressources et de relations que son mari avait fini par mettre à la porte, la cour de Marseille avait précisé que par ce terme il fallait non seulement entendre des violences physiques, mais tout aussi bien des pressions psychologiques et moralesNote 17.
Par un arrêt récent la cour de Marseille a même annulé le jugement du tribunal administratif et l’arrêté du préfet en lui enjoignant de réexaminer la situation d’une Algérienne victime de violences conjugales. La cour a ainsi jugé qu’alors même que la requérante ne pouvait invoquer les dispositions de l’article L. 313-12 du CESEDA, le préfet aurait dû porter une appréciation sur les violences conjugales dont la requérante était victime et sur l’opportunité d’une mesure de régularisationNote 18.
Enfin, je voudrais revenir sur le cas des filles risquant la pratique de l’excision dans leurs pays d’origine.
En octobre 2009, le Conseil d’État avait été saisi d’un pourvoi à l’encontre d’une décision par laquelle la cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait considéré qu’une jeune fille risquant l’excision dans son pays d’origine ne pouvait être considérée comme réfugiée du fait de son jeune âge et de sa naissance en France.
Par son arrêt d’assemblée du 21 décembre 2012, le Conseil d’État annulera cette décision en considérant que dans les pays et sociétés où l’excision constitue une norme sociale, les enfants et adolescentes non mutilées constituent un groupe social au sens de la convention de Genève de 1951 et peuvent donc prétendre au statut de réfugié.
Ceci étant, si la fille peut se voir accorder le statut de réfugié, il n’en est pas ainsi pour la mère.

Les limites de la protection

La protection des mères demeure donc limitée en la matière, ce d’autant que les juges administratifs continuent à annuler uniquement les décisions fixant le pays de renvoi, mais pas celles portant refus d’admission au séjour et obligation de quitter le territoire françaisNote 19.
À la suite de l’arrêt du 21 décembre 2012, précité, des Maîtres de requêtes au Conseil d’État s’étaient inquiétés de la possible venue d’un grand nombre de mères africaines qui voudraient soustraire leurs filles à l’excisionNote 20.
Ainsi, pendant mes recherches des décisions tendant à la protection des femmes, j’ai été confrontée aux limites de cette protection. Tout d’abord je pense à l’intérêt général. Ensuite, à la crainte de généralisation des décisions, on voit bien que le juge administratif s’attache aux cas particuliers et aux circonstances particulières ou très particulières de l’espèce et répugnerait aux solutions systématiques. Je pense aussi aux effets parfois très faibles des décisions de justice dans la pratique.
J’en reviens à mes trois affaires que j’ai détaillées dans mon exposé :
L’annulation d’un refus de renouvellement de contrat n’implique jamais, selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, l’obligation de renouveler le contrat. D’ailleurs, l’armée n

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